Nouvelles technologies pour la chirurgie du contour facial
Le contour facial : connaître ses spécificités
La mandibule est la mâchoire inférieure, seule pièce osseuse mobile du visage. La mâchoire supérieure est appelée maxillaire.
Le contour facial est la zone anatomique mandibulaire qui délimite le visage du cou : elle est composée des angles et de la branche montante mandibulaire (ramus) en arrière : c’est la partie verticale ;de la branche horizontale mandibulaire et du menton en avant, qui représentent la partie horizontale.
Des anomalies morphologiques, d’origine familiale, dues à une insuffisance de croissance ou à une anomalie de fonction (linguale ou respiratoire) peuvent exister à ce niveau dans les trois sens de l’espace :
- Excès ou insuffisance de longueur de profil de la mandibule ou du menton,
- Excès (long face, faciès hyperdivergent) ou défaut de hauteur (short face, faciès hypodivergent).
- Défaut ou excès de largeur des angles mandibulaires ou du menton.
Auxquelles s’ajoutent parfois des anomalies de symétrie, avec déviation du menton d’un côté, angle mandibulaire plus développé ou plus plongeant, latéralisation de l’ensemble du visage…etc
Une première étape consiste à éliminer une anomalie dite occlusale (c’est-à-dire de contact dentaire) souvent l’origine ou la résultante de l’anomalie squelettique observée, car dans ce cas il faut évoquer avec le patient un protocole combinant orthodontie préparatoire et intervention de déplacement des mâchoires dans leur globalité (chirurgie dite « orthognathique » permettant de rétablir l’occlusion, d’harmoniser l’architecture faciale et de rétablir une respirationcorrecte)
Si tel n’est pas le cas ou en cas de refus du patient, on pourra évoquer avec lui trois solutions possibles, selon la déformation observée et le résultat attendu.
La génioplastie : qu'est ce que c'est ?
C'est une intervention réalisée sur la partie osseuse du menton : elle permet essentiellement la projection de celui-ci, ce qui a une incidence bien évidemment morphologique mais aussi fonctionnelle, en permettant aux lèvres de mieux se fermer par exemple. Elle est en particulier indiquée chez les patients présentant un menton rétrus (en arrière) ou bref, sans anomalie de contact dentaire par ailleurs et dont les angles mandibulaires sont correctement positionnés. C’est une intervention chirurgicale courte, mais qui nécessite 24h de surveillance par la suite. Elle peut être réalisée à tout âge et implique un arrêt des activités restreint, 7 jours environ parfois moins. L’intervention est indolore et le résultat est durable (génioplastie par ostéotomie / translation) car le menton osseux consolide parfaitement dans sa nouvelle position. La dépose de la petite plaque permettant de maintenir la modification osseuse peut être réalisée après ossification, quelques mois après l’intervention, mais n’est en aucun cas indispensable. Pour de plus amples renseignements sur cette procédure, je vous engage à vous référer au précédant article : « génioplastie -chirurgie esthétique du menton ».
La méthode de l’ostéotomie de Chin wing
Réactualisée et modernisée par le Dr Albino Triaca, elle peut être définie comme une « génioplastie longue » remontant loin en arrière et incluant ainsi tout ou partie de la surface osseuse du bas de la mandibule. Elle permet une modification et un déplacement dans les trois sens de l’espace de la totalité de l’ovale du visage contrairement à la génioplastie qui ne modifie que le menton.
Ainsi outre la possibilité d’avancée et de redéfinition du menton, elle permet de régler quasiment toutes les autres anomalies du contour comme par exemple :
- En abaissant les angles mandibulaires trop courts : cela permet de les faire ressortir (pour résoudre un contour du visage trop rond ) ou de diminuer l’obliquité mandibulaire d’un patient hyperdivergent( contour du visage trop oblique et donc paraissant trop long).
- En reculant un menton trop saillant sans provoquer d’excès de tissus mouspéri mentonniers (peau /graisse / muscles) : un aspect parfois retrouvé dans les génioplasties de recul simple car si l’os est reculé, le volume de l’enveloppe cutanée reste le même.
- En abaissant globalement toute la ligne inferieure d’une mandibule, ce qui permet d’allonger un visage paraissant court et trapu (short face).
- En symétrisant un coté par rapport à l’autre : abaissement d’un angle, suppression d’une obliquité….
- En élargissant le bas du visage ou au contraire en diminuant sa largeur.
Les trois difficultés anatomiques de l’intervention (comme éviter le passage du nerf sensitif alvéolaire inférieur, des racines dentaires et respecter la symétrie) peuvent aujourd’hui être fortement minimisées via une simulation informatique aboutissant à un guidage chirurgical.
Le patient réalise au préalable un scanner tridimensionnel ce qui permet au chirurgien et à l’ingénieur biomédical, avec lequel il est en rapport, de réaliser une simulation des objectifs à atteindre. Puis, le logiciel permet d’élaborer et d’imprimer en 3D des « guides de coupe » qui permettront une fois stérilisés, de séparer millimétriquement les pièces osseuses et de conduire l’intervention en évitant au maximum les éléments anatomiques dangereux.
Enfin, des mini-plaques de fixation préformées permettront de placer idéalement les éléments selon la simulation réalisée en amont. Dans la mesure où c’est l’os du patient lui-même qui est déplacé, il existe une consolidation pérenne et le résultat est acquis définitivement après un léger remodelage osseux physiologique. Ces plaques sont fixées au moyen de mini vis de quelques millimètres. L’ensemble du matériel est en titane ce qui le rend biocompatible et permet de le laisser en place à vie sauf si le patient désire enlever le matériel après consolidation osseuse (entre 6 mois et un an).
Lors de l’intervention, les différents traits de séparation osseux sont réalisés au moyen d’un moteur dit Piézo-électrique c’est-à-dire au moyen d’un insert vibrant très rapidement (ultra sonique). Ce matériel permet d’effectuer des tracés très fins, non hémorragiques et surtout épargnant les tissus mous aux alentours qui ne peuvent pas être lésés par le caractère vibrant (et non rotatif) de l’instrument. Ce type de moteur est déjà largement utilisé pour la réalisation des ostéotomies maxillaire et mandibulaires orthognathiques, génioplasties et certaines rhinoplasties.
Cette intervention peut dans certains cas nécessiter un apport d’os, c’est à dire une greffe osseuse. Selon le choix du patient celle-ci peut être réalisée avec son propre os, avec un os de banque ou un os de synthèse permettant d’éviter un site donneur, donc de minimiser les suites opératoires et la durée de l’intervention tout en ayant le même taux de succès.
Exemple et illustrations
- Patient 1: le patient présente une Rétrogénie (menton en arrière, peu dessiné, étroit), insuffisance de hauteur des angles mandibulaires (donc angles peu marqués sur les côtés du visage). Ici, il existe également un léger décalage dentaire mais le traitement orthodontico-chirurgical n’a pas été retenu.
- Il a été décidé de créer des plaques de positionnement après avoir défini comme précédemment la ligne de séparation. Une vérification sur radio de contrôle post opératoire montrant un résultat chirurgical parfaitement conforme à celui prévu informatiquement (image ci-dessous).
- Le résultat post-opératoire après la fonte de l’oedème. Le menton est élargi, correctement positionné vis-à-vis du profil et de la lèvre supérieure, les angles mandibulaires visible sont aussi redéfinient (plus visible sur le cliché de face).
Patient 2 : Progénie (menton trop en avant) mais ligne basilaire mandibulaire harmonieuse nécessitant un recul en masse.
- Définition de la ligne d’ostéotomie permettant d’envisager l’effet escompté.
- Conception des guides chirurgicaux : la zone en rouge correspond à la zone de séparation.
- Conception de la plaque de positionnement : la partie postérieure sera modelée pour ne pas dépasser. La ligne du contour facial est conservée tout en ayant effectué le recul souhaité. La patiente est satisfaite du résultat mais ne souhaite pas que ses photos soient publiées.
Les prothèses d’angles mandibulaires : fabrication et spécificités
Elles permettent, au moyen d’une prothèse en matériau biocompatible (titane poreux, peek ou autre) fixée à la partie inférieure de la mandibule, de développer des angles mandibulaires qui seraient défaillants en hauteur et/ou en largeur. Cette intervention peut concerner un seul ou les deux angles mandibulaires et ne nécessite pas de greffe osseuse. La prothèse est fixée à la zone défaillante par des mini vis, n’est absolument pas mobile et peut être laissée en place définitivement.
Elle est notamment indiquée quand le Chin Wing est difficilement réalisable (anatomie particulière) ou pour des patients souhaitant uniquement modifier leurs angles mandibulaires (souvent les hommes désirant viriliser leur mâchoire et la rendre plus carrée) ou encore pour des patients désirant l’intervention la moins invasive possible. L’intervention est courte (90 min) et les suites opératoires particulièrement simples.
De la même manière que pour le Chin Wing, il est possible voire recommandé, de réaliser une simulation informatique afin de développer des prothèses « anatomiques ». Réalisées sur mesure, elles permettent de s’adapter parfaitement à la morphologie, à la symétrie et au souhait du patient, tout en épousant parfaitement le ou les sites d’implantation. Le volume de ces prothèses peut être limité par les possibilités d’adaptation des tissus mous. Même si leur effet est constant, elles donneront toujours un effet plus visible chez un patient dont la peau ou le visage sont fins que sur un visage très musclé. Ce type de procédé peut également être employé pour réaliser des prothèses zygomatiques/malaires (despommettes) ou orbitaires pour reconstituer celles-ci, voire même des prothéses crâniennes après la perte d’une partie de la voute (traumatisme, malformation, intervention neurochirurgicale par exemple).
Les prothèses sont très légères et leur poids est négligeable, quel que soit le matériau employé, même en titane car celui-ci est « creux ». Elles ne sonnent pas au détecteur à métaux, imitent parfaitement la consistance de l’os au toucher, et ne sont ni fragiles, ni mobiles.
Exemple de prothèses à angles mandibulaires : demande d’homogénéisation du contour facial après précédente intervention orthognathique, notamment abaissement et augmentation des angles mandibulaires, élargissement du menton.
- Achevée au moyen de prothèses d’angles et des branches horizontales mandibulaires. Elles permettent d’épouser parfaitement les reliefs osseux et éviter les plaques de la précédente intervention au cas où celles-ci ne pourraient pas être enlevées au cours du geste.
Suites opératoires et résultats
Les résultats de ces différentes interventions sont immédiatement visibles mais le visage met quelques semaines à s’affiner. Les patients sortent le plus souvent le soir ou le lendemain de l’intervention : la durée de séjour est donc courte.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les suites opératoires ne sont pas douloureuses. Des antalgiques habituels de type paracétamol et anti-inflammatoires sont largement suffisants durant les quelques jours qui suivent. Il existe par contre une période d’œdème (gonflement) d’une quinzaine de jours, même si certains petits moyens permettent de la raccourcir. La reprise d’une activité notamment professionnelle « normale » est possible une à deux semaines plus tard.
Il n’y a pas non plus de port ni guidage élastique comme dans une chirurgie occlusale. Quelques séances de kinésithérapie spécialisées peuvent être bénéfiques afin de drainer l’œdème plus rapidement et favoriser la cicatrisation.
Les risques opératoires traditionnels (hémorragiques, conflit avec les racines dentaires ou le nerf mandibulaire) sont très nettement minimisés par la procédure guidée, mais on ne peut jamais totalement les exclure. Le résultat osseux est prédictible mais le résultat global dépend également des tissus « mous » du patient, de son épaisseur de peau, de la répartition du tissus graisseux, du volume des muscles masticateurs notamment le masséter.
L’alimentation est rapidement normale dans la mesure ou l’intervention ne touche pas à la portion dentaire de la mandibule, il n’existe donc pas de fragilité particulière. Quelques jours de nourriture molle et froide sont néanmoins nécessaires pour des raisons d’hygiène. Il n’y a pas de pansement, toutes les voies d’abord sont réalisées par voie endo buccale donc aucune cicatrice n'est visible. Elles sont toutes fermées par des fils résorbables. Un contrôle radiologique est souvent nécessaires immédiatement après l’intervention et peut-être faite à distance. La durée moyenne de suivi est de 6 mois à un an.
Le patient ne présente à terme pas de risque fracturaire plus élevé qu’avant l’intervention car la réossification est complète quelques mois plus tard ; un arrêt des sports de contact est néanmoins conseillé durant cette période. Les reprises opératoires sont rares.
La prédictibilité grâce à la simulation informatique
Nous avons parlé pour l’instant d’outil informatique comme support de la chirurgie (guides chirurgicaux, plaques imprimées sur mesure, prothèses anatomiques) mais la simulation informatique sert également à illustrer le résultat théorique au patient, en calculant au mieux l’effet sur les tissus mous (peau, graisse, zones musculaires dynamiques, jonction avec les autres unités anatomiques comme le cou ou le nez). Il faut néanmoins garder à l’esprit que les algorithmes informatiques actuels ne permettent pas de savoir avec précision l’impact exact sur ces tissus mous du déplacement osseux planifié, et que le résultat sur le patient « in vivo » peut donc varier de celui qui a pu lui être montré au préalable. Cette partie « démonstrative » de la simulation doit donc être considérée comme non contractuelle, même si elle peut aider à la décision.
Il n’existe pas de cas « standard ». Chaque patient présente ses spécificités, ses attentes, ses propres limites… Un examen minutieux, à la fois médical et radiologique, est toujours nécessaire afin de fournir à ce dernier la solution qui sera la plus adaptée et qui parfois, peut combiner plusieurs techniques et ne pas forcément faire intervenir l’outil informatique car une technologie nouvelle n’est pas forcément nécessaire ni systématique.