La Première Guerre Mondiale, une étape décisive pour la chirurgie plastique
La Première Guerre Mondiale fut un véritable tournant dans les progrès liés au domaine de l'esthétique. À cette période, la cause principale de décès était l'impact des éclats d'obus sur la population, dont la quantité était innombrable. Au-delà de la mort, ces éclats métalliques pouvaient aussi avoir pour conséquence de terribles blessures qui, en de nombreuses occasions, défiguraient le visage de la victime.
Jusqu'au début du XXème siècle, maintenir les blessés en vie était la principale préoccupation des hôpitaux de campagne en temps de guerre. Mais quant arriva la Grande Guerre, un nouvel objectif s'imposa de lui-même : parvenir à traiter au mieux les patients défigurés par les éclats d'obus. Les fragments de métal tordu qui composaient les bombes explosives pouvaient littéralement arracher la peau, causant de graves lésions qui étaient jusqu'à lors irréparables.
Le pionnier : Harold Gillies
L'armée britannique engagea le Docteur Harold Gillies (1882, Nouvelle-Zélande) pour se charger de ces opérations qui, à l'époque et sans antibiotiques, étaient des plus dangereuses. Pour autant, Gillies, grâce à des recherches de différentes techniques dans des livres et à de nombreuses expérimentations, parvint à des résultats inimaginables pour l'époque.
Le 11 janvier 1916, Gillies devint le premier chirurgien plastique de Grande-Bretagne, en créant une « unité spéciale de chirurgie plastique » au sein de l'Hôpital Militaire de Cambridge, Aldershot. Au cours de la Première Guerre Mondiale, Gillies et son équipe réalisèrent plus de 11.000 interventions, la plupart au niveau du visage, sur plus de 5.000 hommes. Pour la première fois, au-delà de se concentrer sur la récupération physique du patient, on prenait aussi en compte le résultat esthétique.
La technique indienne
Une grande partie des opérations pratiquées se fit sur la base d'une technique indienne connue sous le nom de « suspension frontale », que le Docteur Harold Gillies trouva dans un livre. Cette méthode fut utilisée dans une de ses opérations les plus célèbres : celle du lieutenant William Spreckley et de sa reconstruction du front et du nez. Pour ce faire, Gillies préleva une partie du cartilage vivant des côtes de Spreckley pour l'implanter au niveau du front, simplement fixé d'un côté de celui-ci, et enroulé en forme de tube, pour pouvoir ensuite être déployé sur le reste des parties du visage à reconstruire. Les tubes de peau pouvaient rester ainsi enroulés pendant des jours, et même des semaines, jusqu'à l'obtention d'une circulation sanguine du côté du tissu déplié. Dans le cas de Spreckley, la procédure dura plus de trois ans, durant lesquels Gillies traita son patient continuellement.
Les principes de la chirurgie moderne
Gillies établit les bases de la chirurgie que nous connaissons aujourd'hui, mettant malgré tout en danger la vie de nombreux patients pour y parvenir. Bien que les progrès réalisés par Gillies furent spectaculaires, toutes les opérations ne résultèrent pas en succès. Le risque d'infection au cours de ces interventions était très important, et de nombreux patients traités succombèrent sur la table d'opération. Le manque d'hygiène, de calmants et autres médicaments fit que les patients connurent des paralysies, gangrènes et saignements.
De plus, de nombreux survivants ne parvinrent jamais à surmonter les dommages psychologiques que ces blessures pouvaient causer. Malgré les progrès, beaucoup de cicatrices restaient visibles, et les patients possédant des traces de défiguration étaient marginalisés, et obligés à être traités à part au sein des hôpitaux, et même dans les centres de travail.
Photo : actualites.sympatico