Il n'y aurait pas deux sexes, mais 48
En ce moment à l'affiche, le film Danish Girl met sur le devant de la scène les notions de genre et d'identité, et remet en question notre conception de l'humain, parfois trop ancrée sur des préjugés. Aujourd'hui, on sait qu'il n'existe pas uniquement un sexe féminin et un sexe masculin, mais un large spectre entre ces deux extrêmes : on en dénombrerait jusqu'à 48.
Danish Girl, film actuellement au cinéma, retrace l'histoire de Lili Elbe, peintre danoise qui est la première personne a avoir bénéficié d'un transition sexuelle chirurgicale pour passer physiquement d'homme à femme.
Ce film permet de rappeller que genre et identité sont deux choses bien distinctes : le corps n'est que l'enveloppe de l'identité, en aucun cas son reflet. Le genre, ou sexe, ne peut définir à lui seul l'identité d'une personne : on peut avoir des attributs féminins et être un homme, avoir des attributs masculins et être neutre, avoir des attributs masculins et féminins et être femme.
Toutes les combinaisons de genre et d'identité sont possibles.
Définir un sexe à 100% : scientifiquement impossible
En 2009, lors de la finale des Championnats du monde du 800m, la Sud-Africaine Caster Semenya bat tous les records, parcourant la distance en 1 mn 55 s 45 cts.
Dès la fin de la course, ses détracteurs l'accusent d'être un homme sur des considérations purement physiques : elle aurait des épaules "trop" carrées, une poitrine "trop" plate, des hanches "trop" étroites. L'athlète se voit obligée de se soumettre à des tests sanguins, gynécologiques et chromosomiques pour vérifier qu'elle est bien une femme.
Les résultats tombent, et Caster Semenya apprend en même temps que le monde entier qu'elle est intersexuelle : elle possède un appareil génital externe féminin, et des testicules internes. Elle ne le savait pas.
Le milieu sportif demande depuis régulièrement à ce que les athlètes féminines se soumettent à des tests humiliants dans le but de prouver qu'elles sont bien de "vraies" femmes et qu'elles n'utilisent pas un quelconque avantage pour tricher. Or, comme l'explique la chercheuse Anaïs Buhon, il est impossible de définir un sexe à 100%, qu'il soit féminin ou masculin.
Psychiatre spécialiste de l'intersexuation, François Ansermet explique :
"Entre le sexe morphologique, le sexe chromosomique, le sexe génétique et le sexe endocrinien, on ne sait plus auquel se référer pour penser ce qui détermine l'assomption subjective du sexe".
Selon Éric Macé, chercheur au CNRS et sociologue, le sexe mâle et le sexe femelle existent bel et bien, complétés par un spectre de 46 autres sexes :
"Le nombre de 46 est approximatif. [...] Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'au sens biologique ce que l'on désigne par le "sexe" est le produit d'une sexuation du corps au cours de l'embryogenèse, qui associe de nombreux mécanismes chromosomiques et hormonaux et qui a pour effet la production de nombreux types de sexes : des sexes entièrement mâle, des sexes entièrement femelle et des sexes à la fois mâle et femelle".
Jusqu'au 18e siècle, on admettait qu'il n'existait pas que des hommes et des femmes, mais aussi des genres entre ces deux extrêmes. Aujourd'hui, le système actuel dominant considère qu'il n'existe que deux genres clairement identifiables comme femme et homme. Or, le mâle 100% et la femelle 100% sont extrêmement rares, et il apparaît que nous sommes quasiment tous constitués à hauteur de 10 à 40% des marqueurs biologiques de l'autre sexe.
Repartir des bases pour comprendre la diversité de l'être humain
Il y a trois réalités à propos du sexe et de l'identité qui ne sont pas liées, et pourtant très souvent mélangées :
- Les attributs sexuels : ils n'ont aucun lien avec l'identité, tout sexe peut cohabiter avec toute identité
- L'identité : c'est la personne que l'on est, indépendamment de ses attributs sexuels
- La sexualité : elle n'est liée ni au genre, ni au corps.
La voix, la pilosité, les vêtements... Tout cela est appelé "expression de genre" : contrôlables ou non, ces marqueurs n'ont aucune influence sur l'identité. Autrement dit, être d'un genre ou d'un autre peut influencer la manière dont on s'exprime, mais ne définit pas l'identité de la personne. Porter des habits de femme ne signifie pas être une femme.
Nous serions constitués de 10 à 40% des marqueurs de l'autre sexe, mais les caractéristiques mâles et femelles qui prévalent en chacun de nous ne définissent pas nécessairement notre identité. On estime à environ 2% le nombre de personnes intersexuées, mais ce chiffre augmente, non pas au fil du temps (ce n'est certainement pas un "effet de mode") mais bien au fil de nos découvertes, alors que nous découvrons que l'être humain est bien plus complexe que ce que nous pensions.
Le terme "intersexuation" désigne une personne qui possède des marqueurs des deux sexes. Ce n'est absolument pas un problème, tant que la personne peut se définir dans l'identité qu'elle souhaite. L'important est que chaque personne se sente entourée et encouragée à développer son identité. Selon Éric Macé,
"La plupart des cas [d'intersexuation] ne pose pas de problème médical. Donc le fait que les intersexuations soient considérées comme des pathologies relève plus d'un problème culturel".
Intersexué ou non, on peut aussi être transgenre, c'est-à-dire ne pas correspondre à tout ou partie du genre qui nous a été assigné à la naissance.
Tout genre peut coïncider avec toute sexualité ou toute identité, l'important étant que chaque personne se sente suffisamment soutenue et entourée pour pouvoir s'épanouir et vivre sereinement.
Laverne Cox, atrice transgenre qui joue Sophia dans la série Orange is the New Black